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L’ENjeU : Une chambre d'écho du monde - Entretien avec Marceau Deschamps-Segura

  • Ariane Padovani
  • 24 nov. 2017
  • 4 min de lecture

« L’ENjeU - Exercice pour acteurs joyeux © » est un concept de création et un outil

pédagogique conçu par Delphine Eliet dans le cadre de L’école du Jeu en 2005.

 

Le 7 septembre 2017, Marceau Deschamps-Segura invite les ENjeUx au CNSAD. Marceau, élève du Cycle Long de la promo 2012-2014, intègre le CNSAD en 2014. A la rentrée 2017, il entre comme élève metteur en scène dramaturge à la Comédie-Française.


L’ENjeU joué au CNSAD en septembre rassemblait des anciens et anciennes élèves du cycle long qui se sont rencontré-e-s à cette occasion..


Distribution:

Louis Arene, Sigrid Bouaziz, Simon Copin, Marceau Deschamps-Ségura,

Thibaut Dichy-Malherme, Victoire Du Bois, Maxime Godenne, Morgane Hélie,

Julie Moulier, Pierre Ophèle-Bonicel, Emma Pasquer, Benoit Paulin,

Simon Ribet, Jules Trouillard


A cette occasion, Marceau parle de l’ ENjeU, et de ce que cet exercice-spectacle lui apporte dans son travail.


Marceau Deschamps-Segura, ENjeUx, 2014



« L’ENjeU est un exercice-spectacle improvisé. Le protocole est le suivant : tous les acteurs et actrices ont travaillé, en amont, et de manière autonome, des monologues, des scènes et ils ont à disposition quelques exercices pratiqués à l’école du jeu. Ils se retrouvent sur un plateau nu et s’assoient sur des chaises qui encadrent la scène. En suivant quelques règles communes à tous, ils construisent un spectacle à vue.

C’est un endroit d’exploration théâtrale. L’ENjeU décomplexe mon rapport au répertoire : je peux utiliser ce qui m’intéresse le plus dans un texte sans me questionner sur le sens général ou le contexte d’écriture. Je peux jouer les rôles que je veux, comme la Reine d’Espagne ou Elvire.


Ce que j’aime avec l’ENjeU, c’est que des inconnus peuvent se retrouver sur un plateau et jouer. En septembre, j’ai joué avec des gens avec qui je n’avais pas le temps de répéter au préalable. Finalement, Louis Arene et moi connaissions tous les deux Être ou ne pas être et avons improvisé un duo. Cet exercice demande encore plus d’attention que quand on joue avec des partenaires connus puisqu'on découvre l’univers de l’autre en direct. Il faut être très au clair avec soi-même et se demander : "Qui es-tu, quelles sont tes ressources quand tu montes sur le plateau ? Qu’est-ce que tu amènes avec toi ?"



" C’est un endroit d’exploration théâtrale. "



En tant que metteur en scène, je travaille l’improvisation et le présent de plateau. Quand je travaille avec des comédien-ne-s, j’ai parfois envie de leur faire expérimenter l’ENjeU pour qu’ils fassent plus confiance à ce processus de travail. Si on est clair dans ses propositions de jeu et à l’écoute des autres, ça marche. On n’a pas besoin de tout prévoir pour gérer le réel.


Pour moi, c’est ce qu’il y a de plus essentiel sur un plateau : la disponibilité et l’écoute. Avec ces qualités on peut toujours improviser. Je n’aime pas caler des choses, les fixer à l’avance. Ce que je recherche c’est l’organicité. Dans mes spectacles, je cherche à laisser à chacun un vrai travail d’initiative. Le but c'est que les interprètes soient responsables de ce qu’ils font et qu'ils gagnent en intensité.

Le théâtre, ça ne rate jamais si on sait ce qu’on veut raconter et qu’on intègre absolument tout ce qui se passe, qu’on accepte totalement le réel. Le monde du « ratage » vient au moment où on est plus au présent de ce qui se passe. Même se dire « Ah, je rate ! », ça relance quelque chose de théâtral.


Cette manière de travailler, c’est aussi un projet humaniste et progressiste. Quand on est ensemble, qu’on s’écoute, on réussit à aller tous à peu près dans la même direction.

Le fait de répéter beaucoup et de caler les choses permet plus de virtuosité. Mais la virtuosité, c’est à la fois magnifique et excluant. Pour moi, c’est plus important de dire « On peut être ensemble » que « Regarde, je peux faire ça ».


Souvent, avec la répétition, on se coupe d’une nécessité. Dans les premiers moments de création, il y a beaucoup de vivacité, de belles propositions, mais au bout d’un moment, l’inquiétude du résultat prend le dessus.

Je privilégie un travail de fond, constant : en tant qu’acteur, je me demande sans cesse qui je suis, comment je fonctionne, quels sont mes outils. L’essentiel, c’est cet entraînement constant. Ensuite, il peut y avoir une rencontre avec le texte. La matière première c’est la personne, pas le texte. Je n’aime pas travailler un texte à partir d’une soi-disant neutralité. Certain-e-s travaillent avec cet « état de disponibilité » et c’est vrai qu’à la fin on peut jouer ensemble sur le plateau donc il y a de la richesse dans les deux, mais je préfère être dans la recherche.



" Le cadre de l’ENjeU permet une véritable rencontre entre des interprètes. "



Ça me frappe souvent qu’au bout d’une heure de répétition, tout le monde commence à s’ennuyer. Soudain, il y a un trou imprévu et alors quelque chose se passe, et tout le monde est attentif. Tout d’un coup c’est devenu vivant et c’est ça que le public veut voir.

L’ENjeU amène sans cesse ce genre d’événement. On doit inventer en direct comment faire progresser le spectacle. Ça demande beaucoup d’entraînement pour ne pas perdre le public. Il faut de la présence, de l’écoute, un réel engagement. C’est la base de tout théâtre. Il n’y a pas d’histoire dans l’ENjeU, mais cette constance permet à des échos d’apparaître entre les scènes.


C’est une forme très riche. Le cade de l’ENjeU permet une véritable rencontre entre des comédien-ne-s, leurs univers et leurs réflexions. Tous leurs témoignages de l’existence sont rassemblés dans cet espace-temps. Quand ça fonctionne, un fil de réflexion surgit et chacun se place par rapport à ce sujet. Le fait que tout cela soit improvisé permet d’être dans une réaction immédiate aux choses. On se sert de ce qu’on ressent et de ce qu’on pense au moment du jeu. C’est intéressant si on aborde des sujets d’actualité. Le plateau devient une chambre d’écho du monde. On a là une scène, avec une quinzaine de personnes, leurs préoccupations, leurs réflexions, leurs langages. Ils créent un grand dialogue artistique sur des thèmes existentiels, sociaux, psychologiques, politiques, face à des gens qui ont potentiellement les mêmes préoccupations et qui vivent dans le même monde. »




 
 
 

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