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650 ANS DE ZEAMI AU CEEJA

« Il est une fin à la vie ; il ne saurait y avoir de terme pour le nô. Quand vous aurez étudié, une à une, les manières propres à chaque âge, vous étudierez encore la manière qui convient à la vieillesse : c’est en cela que consiste vos débuts dans la vieillesse. »

ZEAMI, calligraphie de Tôshû Teraoka

650 ANS DE ZEAMI AU CEEJA

Ce matin, direction Colmar. Pourquoi Colmar ? Parce que Zeami a 650 ans et nous n’avons pas le droit de rater ça.

Aujourd’hui, une journée d’échanges et de conférences autour du travail du Maître et des conséquences et opportunités que cela ouvre pour le théâtre contemporain a lieu dans une des salles du CEEJA (le Centre Européen d’Etudes Japonaises) au centre de Colmar qui leur sert, entre autre, de salle d’expositions.

D’ailleurs, nous sommes d’heureux privilégiés. Nous sommes accueillis, en avant première (l’expo ouvrira demain pour deux semaines) par une exposition de calligraphies de phrases maîtresses de Zeami. Elles sont l’œuvre d’une des plus importantes calligraphes japonaises actuelle, j’ai nommé Teraoka Tôshû.

Ce qui est drôle ou triste suivant dans quel axe on regarde, c’est qu’ici, dans la salle, il n’y a pas d’hommes ou de femmes de théâtre. Quelques universitaires, des chercheurs en langue nippone, quelques curieux.

Pourtant les intervenants sont des pointures dans le domaine. Ils viennent des deux plus importantes universités japonaises qui travaillent sur le Nô. Pour l’occasion, ils sont orchestrés par Sakae Giroux à qui l’on doit la traduction du Sarugaku dangi, un recueil d’entretiens de Zeami avec son fils cadet Motoyoshi, et qui pour nous, gens de théâtre, apporte beaucoup d’informations techniques permettant d’éclaircir certains points du Fûshi-kaden et des autres traités de Zeami traduits dans : « La Tradition secrète du Nô » qu’il est important d’avoir lu, bien sûr !

Depuis Jean-Louis Barrault, Georges Banu, Ariane Mnouchkine et son comparse Erhard Stieffel, Armen Godel plus récemment, les arcanes du Nô semblent rester en suspens et ne plus beaucoup intéresser nos contemporains du théâtre. Comme si nous en avions fait le tour !

Et bien, pour ceux qui le croient, un petit tour dans cette petite salle aurait fait le plus grand bien. Le nô n’a jamais arrêté d’évoluer d’un iota depuis la mort de Zeami. Ce sont les Bushi, donc quelques deux cent ans plus tard qui ont cristallisé le nô dans sa forme actuelle.

Oui, c’est vrai que dans ses traités, Zeami créé le concept du Yûgen, le « charme subtil », qui reste, de l’avis des spécialistes japonais, un concept qu’il n’a peut-être pas pu mettre en jeu de son vivant et qui se rapproche de ce qui nous est donné de voir aujourd’hui.

Mais il n’a pas connu ce nô tel qu’il est aujourd’hui. Et il est donc permis de se demander comment il réagirait aujourd’hui à la vue de sa transmission. Peut-être mal. Qui sait ?

Le problème avec nos raccourcis, c’est que nous en avons oublié que Zeami était avant tout un très grand homme de théâtre, certainement beaucoup plus proche de notre théâtre que ce que la majorité des occidentaux croit.

Et si cette proximité avait pu être perçue, nul doute que nous aurions creusé plus profondément, plus scrupuleusement dans ses arcanes et nous aurions pu en tirer bien des choses.

Ce post pourrait ne jamais en finir et nous vous épargnerons l’histoire détaillée de Kanami (le père de Zeami) et de Zeami, deux génies du théâtre comme le sont Eschyle ou Shakespeare et qui risquent encore, pendant un temps, de rester cantonnés dans leur rôle de jolie vieillerie nippone qu’on admire et qu’on brode de belles légendes comme on pouvait le faire à l’époque d nos chères colonies.

Mais ce n’est pas une obligation d’honorer les traditions. Surtout quand elles sont surannées ! Nous vous laisserons donc une petite liste d’ouvrages qu’il faudrait avoir lu si l’on veut parler de nô et pourquoi pas s’en inspirer, y rêver, faire avancer l’élaboration des ponts qui font de l’art ce vagabond jamais empêché de frontières…

Vous êtes ceux qui créeront le théâtre de demain.

Et la place est ouverte… en grand !

« Le Démon du nô« , roman historique sur la vie de Zeami – Nobuko Albery « La Tradition secrète du nô », traités de Zeami traduits par R. Sieffert « Zeami Et ses entretiens sur le nô », Sakae Giroux « Joyaux Et fleurs du nô », Armen Godel « Nô et kyôgen, printemps, été & automne, hiver », deux livres avec la traduction d’un grand nombre de pièces de nô et de kyôgen, R. Sieffert « La Lande des mortifications, vingt-cinq pièces de nô » A. Godel et K.Kano Bien sûr, ce n’est pas une liste exhaustive et vous pourrez après avoir dévoré ceux là trouver quelques trésors qui existent aussi. Bien que souvent pour ceux qui souhaitent s’aventurer en terre de nô, la connaissance de l’anglais ou du japonais deviennent un jour nécessaire.


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