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Interview de Mehdya Fassi, élève de la Master Class « ESPRIT ET CORPS : SURMONTER LA DUALITÉ DE L’A

Ancienne élève de l’École du Jeu, Mehdya Fassi a participé, en janvier dernier, au stage « Esprit et corps : surmonter la dualité de l’acteur » dirigé par Polina Klimovitskaya, professeur à l’Université de Yale aux Etats-Unis.

Mehdya Fassi, élève à l'Ecole du Jeu

Claire Duchêne, pour l’École du Jeu : Qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans le travail de Polina Klimovitskaya ?

Mehdya Fassi – Polina nous a beaucoup fait réfléchir sur notre propre pratique. J’ai notamment beaucoup avancé sur cette question qui est celle de « ne rien faire » sur un plateau de théâtre : on m’avait déjà fait remarquer dans plusieurs cours de théâtre que je devais « ne pas jouer ». Je ne l’avais jamais intégré, jusqu’à ce que Polina me le dise. J’ai eu un vrai déclic, et me suis dit : « Là, j’ai compris ». J’ai compris que « ne rien faire » signifiait être vivant, mais ne pas « faire en sorte d’être vivant ».

En lien avec cela, elle m’a également dit : « Tu n’es pas sur un plateau pour sentir des émotions, on s’en fiche ! » Elle m’a appris à ne pas sentir pour moi, et, lorsque j’étais submergée par une grande émotion, à faire en sorte de « redescendre » cette dernière dans le corps.

De là, j’ai l’impression que nous, comédiens, devenons des organisateurs de ce qui se passe à l’intérieur de nous : je représente tout ce qui se passe. Pour bien le représenter, il faut que j’appelle plusieurs facultés et capacités comme ma sensibilité, le fait de réfléchir vite, ou le fait d’être technique par rapport à une émotion.

Elle m’a également aidée à regarder et à penser plus largement. Je travaille actuellement sur le personnage de Médée. Je pensais qu’il fallait que je connecte avec des émotions très fortes, que je sois une femme au bord de la folie…

Polina m’a alors dit : « Médée est comme toi. Elle a aussi un enfant en elle ». Je me suis rendu compte que pour jouer ce personnage, je pouvais aussi aller chercher de la joie, de la sensualité, de l’amour, de l’amusement, de l’émerveillement… Polina a dit, entre autres, une phrase qui m’a beaucoup marquée : chaque fois que je rentre sur scène, « You fight for something ». Cela me ramène à des questions fondamentales : pourquoi je suis là ? Pourquoi je fais ce métier ? Je suis là pour me battre, défendre des choses.

C. D. Polina Klimovitskaya est Russe et vit aux Etats-Unis depuis plusieurs années. Comment cette richesse culturelle influence-t-elle son travail ?

M. F. – Elle a commencé à travailler très tôt, et notamment avec de grands maîtres comme Meyerhold et Michael Chekhov.

Sa plus grande richesse vient peut-être du fait qu’elle ait expérimenté énormément de choses. Elle nous a d’ailleurs parlé de ses différentes expériences, dont sa rencontre avec Michael Chekhov lorsqu’elle était jeune.

Un jour, alors qu’il était sur un tournage, elle lui a demandé : « Comment faites-vous pour jouer ? » Et lui de répondre : « Mais je ne joue pas ! ». « – Alors que faites-vous ? – Je réagis à tout ce qui qu’il y a autour de moi ! »

C. D. Quels liens faites-vous entre le travail de Polina Klimovitskaya et le travail de Delphine Eliet, notamment à travers la TCIC [Technique de Confirmation Intuitive et Corporelle, ndlr]?

M. F. – Ils sont très concrets : faire redescendre l’émotion dans le corps, penser vite, penser que les choses sont toujours vivantes et en mouvement… Finalement, c’est comme si Delphine avait allumé une torche sur un sujet, et que Polina en allumait une autre sur le même sujet : cela permet de mieux comprendre certaines choses.

Tous les intervenants que j’ai côtoyés à travers les stages dans le cadre de l’École du Jeu vont tous dans le même sens. Les différents intervenants s’enrichissent les uns les autres.


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