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Interview de Justine Bachelet et Paule, élèves au Conservatoire National Supérieur d'Art Dramati

Élèves au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Paris, Justine Bachelet et Pauline Bayle ont toutes deux fréquenté l’École du Jeu. L’occasion pour nous de les questionner sur leur parcours, le concours d’entrée ainsi que leurs envies de théâtre.

Justine Bachelet, élève à l'Ecole du Jeu

Claire Duchêne, pour l’École du Jeu : Avant d’entrer au Conservatoire, quel a été votre parcours ?

Justine Bachelet – J’ai commencé au Conservatoire du 11e arrondissement, avant d’arriver à l’École du Jeu. J’ai intégré la Manufacture de Lausanne, avant de revenir quelques mois à l’École du Jeu pour préparer le concours du Conservatoire, que j’ai réussi.

Pauline Bayle – J’ai fait le Conservatoire du 5e arrondissement, puis j’ai fait une année à l’ESAD, pendant laquelle je faisais des stages et des week-ends à l’École du Jeu. Je suis entrée au Conservatoire après cette année-là.

C. D. – Votre passage à l’École du Jeu vous a-t-il aidé à préparer le concours ?P. B. J’ai préparé le concours du Conservatoire seule : j’ai demandé à Delphine qu’elle donne son regard sur mes scènes de manière très ponctuelle. Ceci dit, l’École du Jeu en soi m’a apporté beaucoup de choses.

J. B. Le passage à l’école m’a moins aidée sur la préparation du concours que sur le fait d’apprendre à jouer. C’est plutôt le fait de les passer un certain nombre de fois qui m’a fait comprendre comment cela fonctionnait. L’École du Jeu m’a appris la rapidité et la fluidité que les concours demandent.

Delphine savait particulièrement bien nous faire travailler sur la peur, sur le fait « d’y aller », sur la rapidité et la flexibilité que doit avoir un comédien sur scène, et particulièrement pendant un concours.

P. B. C’est un entraînement du comédien qui est ample… Mon passage à l’école m’a aidée à travailler sur moi, à affirmer qui j’étais, avec tranquillité.

J. B. À l’École du Jeu, quel que soit le moment où le comédien est sur le plateau, il est toujours en travail. Au moment du concours, c’est dur de continuer à être en travail, et c’est une chose qu’on apprend dans cette école.

P. B. Parce qu’il y a un travail très physique et concret ! J’avais déjà passé le Conservatoire, et le souvenir que j’en avais était assez sombre et flou. La deuxième fois, mon passage était beaucoup plus concret, plus en lien avec la réalité. Ça ne voulait pas dire que j’avais moins le trac, mais c’était plus réel.

C. D. – Y a-t-il des outils que vous avez appris à l’École du Jeu et qui vous servent dans votre travail aujourd’hui ?

J. B. Plusieurs choses. La première serait de veiller à être en état de jeu avant de commencer à travailler. J’ai également appris à savoir ce que je suis en train de travailler et de chercher lorsque je suis sur un plateau : à chaque fois que l’on joue, il vaut mieux avoir trop de choses à faire que pas assez.

P. B. Pour moi, ce serait de mobiliser le corps en permanence. Je m’échauffe en mettant de la musique sur mes oreilles et en bougeant. Je pars de cette joie et de cette liberté-là pour servir le texte. L’échauffement est une vraie occasion de faire le point : aujourd’hui je suis très fatiguée, ou pas réveillée… En ce qui me concerne, je n’ai pas été élève en cycle long, mais j’ai fait les week-ends : j’ai gardé de cela le fait de savoir ce que je dis, au moment où je le dis.

C. D. – Qu’est-ce qui vous intéresse le plus dans le travail de votre pratique de comédienne aujourd’hui ?

P. B. Je m’intéresse à l’écriture. Et cela vient d’une remarque que je me suis faite : ma volonté d’être comédienne, au départ, vient de l’envie de jouer des grands niveaux d’intensité, de grands et beaux rôles. Mais pour l’instant, concrètement, pour moi, ce n’est pas du tout ça, « être comédienne ».

C’est monter mes projets, me battre pour jouer, mettre en scène… Il y a un aller-retour incessant entre ce à quoi j’aspire et la réalité. Cela fait réfléchir… D’où l’écriture.

C’est une chose que j’ai commencée quand j’étais à l’École du Jeu. Il faut voir comment le métier que je fais me rend heureuse dans le temps présent. Ce qui est important n’est pas d’être heureux à la fin, de jouer Phèdre montée par Chéreau.

Je ne veux pas remettre mon bonheur à demain. Cela fédère des choix, comme écrire et mettre en scène. C’est une problématique très concrète qui est liée à la question du temps, et du temps qui me reste au Conservatoire.

J. B. Ce qui m’intéresse est de travailler sur les styles de théâtre : qu’est-ce qu’un style ? Un genre ? Pourquoi est-il à la mode ou pas ? Je travaille avec Michel Fau au Conservatoire, et c’est une explosion de style dans tous les sens !

On essaye de voir comment ils se mélangent, comment on peut les jouer au premier, ou au second degré… La question du style entraîne la question du théâtre que je veux faire : je suis en train de me rendre compte qu’il n’y a pas un style que j’aime. Tout dépend de ce que je veux raconter. Je les aime tous en soi, même les plus « ringards » !

Une autre chose qui m’intéresse particulièrement : j’aimerais, sur certains projets, partir d’un thème, d’un sujet d’une pièce, et questionner la forme avec laquelle je veux raconter cela. La forme théâtrale n’est pas l’évidence absolue pour raconter ce que je veux raconter : on peut chercher et inventer avec d’autres formes, ou un mélange de formes…

Pauline Bayle, élève à l'Ecole du Jeu

C. D. – Quelle différence existe-t-il entre le travail que vous menez à l’intérieur du Conservatoire et celui mené à l’extérieur?

P. B. Le Conservatoire, à ce niveau là, est d’une exigence immense puisque l’on ne choisit pas les gens avec qui on travaille, ce sur quoi on travaille, ni même ses professeurs. Je trouve que c’est une chance inouïe parce que tous les jours on se remet en jeu, on joue, on répète, on travaille les enjeux des pièces, la diction… C’est vraiment en faisant qu’on apprend le théâtre ! Cela ne s’apprend pas dans les livres. Tandis que pour un projet extérieur, que ce soit le nôtre ou quelque chose pour lequel on a été choisi, il y a moins de contraintes.

J. B. Le Conservatoire demande une très grande endurance : c’est à la fois un très grand espace de liberté, mais cette liberté est pratiquée dans un certain cadre. La vraie différence avec le travail à l’extérieur du Conservatoire, c’est qu’il faut être exigeant avec soi-même, et en même temps patient, humain et indulgent.

P. B. Avec Nada [Strancar], on travaille pendant un an sur des pièces. On a le temps de chercher ! C’est un vrai luxe de bosser un an sur un texte. C’est quelque chose de soi à soi, que l’on ne trouvera jamais à l’extérieur, où là, le comédien répète, joue, et en retire tout de suite les bénéfices. Il y a des gens qui aiment chercher pour eux, et d’autres pas du tout. C’est la force du Conservatoire d’avoir des gens et des professeurs aussi différents.

C. D. – Le mot « endurance » revient dans vos deux bouches, alors que vous êtes respectivement en 1ère et 3e année…

P. B. Si l’on veut faire les 9/10e de ce qui est proposé au Conservatoire, cela demande un engagement très fort.

J. B. Si l’on veut réussir à faire des belles choses, il faut avoir une rigueur sur le long terme et une densité… À côté, les projets extérieurs, c’est très reposant. Il y a une unité et une clarté qui sont beaucoup plus faciles à saisir que lorsque l’on doit agir sur plusieurs fronts.

P. B. En même temps, le fait d’être sollicités au Conservatoire par différents intervenants nous rend plus disponibles.


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