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Interview de Dany Héricourt, directrice de casting

  • Claire Duchêne
  • 18 avr. 2013
  • 5 min de lecture

Coach, directrice de casting, et intervenante à l’École du Jeu depuis 2012, Dany Héricourt donnera en juin 2013 un stage conventionné AFDAS « Acting in English. De la prise en bouche à la libération du personnage ». L’occasion pour nous de revenir sur son parcours, mais aussi sur son travail autour du corps et du « jeu sensible » (jeu face à la caméra).

Claire Duchêne, pour l’École du Jeu : Quel est votre parcours ?

Dany Héricourt : À 18 ans, je suis entrée au Conservatoire en Angleterre, dans lequel je m’intéressais surtout à la classe de mise en scène. J’ai beaucoup joué à la sortie du Conservatoire, avec des troupes de théâtre exploratoire qui faisaient un travail physique, comme DV8. J’ai tourné une année entière avec « La Magdalena », une compagnie de femmes. Au terme de cette aventure, je voulais prendre du temps pour retourner là où j’avais grandi, en Afrique : je voulais voir ce qui se faisait au niveau du théâtre et du jeu.

Je suis donc allée en Afrique du Sud. Là-bas, mon parcours ne m’a pas emmenée vers le théâtre mais dans des camps de réfugiés. J’ai travaillé dans l’humanitaire pendant 6 ans. Je me servais beaucoup du théâtre dans les camps pour faire de la prévention, notamment. Pendant ce temps-là, j’étudiais le yoga et la médecine chinoise.

Quand je suis arrivée à Paris, j’ai donné des cours de yoga, et on m’a rapidement demandé de faire du casting. Je me suis rendu compte que la plupart des comédiens français que je faisais travailler avaient un manque de travail physique et de conscience corporelle. Parallèlement, des comédiens m’ont fait part de leur envie de travailler avec moi sur des rôles en anglais. J’ai donc développé dans le même temps un travail corporel ainsi qu’un travail sur le jeu en anglais.

C. D. Comment êtes-vous venue à enseigner à l’École du Jeu ?

D. H. Mon agent, qui connaissait le travail que je faisais avec les comédiens, connaissait également Delphine [Eliet, directrice de l’École du Jeu, ndlr.] et nous a mis en relation. J’ai rencontré Delphine avec qui j’ai beaucoup parlé, et qui m’a demandé de venir voir le travail dans l’école. J’avais vu d’autres écoles dans lesquelles je n’aurais pas eu ma place, parce que les directions données aux comédiens ne correspondaient pas à ma manière d’envisager le travail avec l’acteur. Avec Delphine, nous parlons vraiment le même langage.

C. D. Le stage que vous allez diriger en juin s’intitule « Acting in English. De la prise en bouche à la libération du personnage ». Pensez-vous que le fait de jouer dans une langue étrangère soit une barrière, et donc que l’évolution dans le travail du jeu soit plus lente ?

D. H. C’est un travail très concret : tout jeune comédien aujourd’hui devrait avoir une autre langue comme corde à son arc. Il faut être capable de jouer en anglais.

Je ne pense pas que la langue soit une barrière. Si elle l’est, elle est là pour être ouverte. Je suis en train de préparer un film dans lequel il n’y a pas d’anglais, mais je m’en sers pour défaire les habitudes des comédiens, les peurs…

C. D. Jouer en anglais pour un comédien français relève-t-il seulement de la transposition d’une langue à une autre, ou y a-t-il des spécificités intrinsèques à cette langue ?

D. H. Le comédien doit savoir poser les accents toniques aux bons endroits, sous peine de perdre de la justesse ; il y a aussi un travail répétitif, mais nécessaire, à effectuer par rapport à la libération de la mâchoire et de la langue. Le travail se fait donc tout d’abord autour de l’aspect technique, mais aussi autour de l’aspect culturel d’une langue : pourquoi l’auteur a-t-il choisi ces mots-là ? Pourquoi y a-t-il ces changements de rythme à cet endroit du texte ? Cela dit, le travail par rapport au texte devrait être le même, qu’il soit écrit en anglais, en italien, en arabe ou en russe… Je pense qu’il faut être curieux de la culture dans laquelle le texte est inscrit pour comprendre les personnages.

C. D. Dans la langue se trouve donc tout un monde…

D. H. Oui. C’est un monde potentiel qui existe dans chaque comédien, mais qui n’est pas exploité. Par exemple, si un comédien travaille sur un personnage d’une pièce de Shakespeare, il est toujours intéressant d’aller voir le texte dans la langue originale. On peut aussi décider de faire une étude de la signification de chaque mot à l’époque où Shakespeare les a écrits. On peut aussi décider de « foncer dans le personnage » et se dire que la langue va s’enseigner à elle-même, et qu’il n’y a donc « qu’à » écouter le flux…

C. D. Le stage que vous allez diriger mêle jeu en anglais et jeu face à la caméra, ou « jeu sensible ». Vous considérez donc que le rapport à la langue, même au cinéma, est très important ?

D. H. Oui : le traitement de langue au cinéma est énorme ! Un scénario de film est écrit, réécrit pour avoir des dialogues qui fonctionnent. C’est tout aussi important qu’au théâtre. Le mot est très important pour moi : le mot accompagné du silence, de la virgule, des points de suspension… C’est comme de la musique. Je demande aux comédiens de plonger dans les mots : ils ne sont pas écrits par hasard. Le jeu sensible ne concerne pas que le faciès !

C. D. Vous êtes franco-britannique. Que connaissez-vous du travail de l’acteur à l’étranger ? Quelle sont les différences avec le travail de l’acteur en France ?

D. H. Les choses sont en train de changer, mais, dans l’ensemble, il y a une densité de travail sur les tournages anglo-saxons que je ne vois pas toujours sur les tournages français, où il existe parfois un certain snobisme autour du travail de l’acteur. En Angleterre et aux Etats-Unis, il y a une éthique de travail très puissante : là-bas, l’acteur est un acteur, qu’il fasse du théâtre, de la télévision ou du cinéma ; il n’y a pas de partition. En France, pendant très longtemps, il existait de vraies partitions. Je suis ravie de voir que cela change !

La formation de l’acteur, notamment en Angleterre, est très dense : le futur comédien, en plus des cours d’interprétation, a des cours de danse chaque jour. Il existe aussi un travail de diction, un travail pour la radio, pour la télé… Tout cela fait partie du cursus. De même pour le coaching : les acteurs anglo-saxons se font coacher continuellement et ne le vivent pas mal, bien au contraire : c’est parce qu’ils sont de bons acteurs qu’ils souhaitent continuer à travailler leur métier, leur corps, leur art…


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